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Délit d’entrave : de quoi s’agit-il ?

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Délit d’entrave, qu’est-ce que c’est ?
Délit d’entrave, qu’est-ce que c’est ?

Le délit d’entrave au sein des entreprises désigne l’ensemble des comportements qui nuisent ou compromettent la constitution, le fonctionnement régulier et l’exercice effectif des missions du Comité social et économique (CSE). Ces infractions portent atteinte au dialogue social et à la représentation des salariés, et entraînent des sanctions pénales et administratives importantes. Quelles sont-elles et comment les éviter ? Nous vous confions les bonnes pratiques dans les prochaines lignes.

Qu’est-ce qu’un délit d’entrave ?

Au sens figuré, entraver se traduit par le fait d’empêcher ou de gêner la réalisation de quelque chose. Dès lors, le délit d’entrave se produit lorsque l’employeur ou toute personne investie d’un pouvoir décisionnel fait obstacle à la mise en place et au fonctionnement autonome du Comité social et économique (CSE) ou des instances représentatives du personnel dans l’entreprise. Ce comportement peut être passif (omission) ou actif (action).

Parmi les cas de délit d’entrave possibles, on retrouve le fait de :

  • retarder ou empêcher la libre désignation des délégués du personnel ; 
  • ne pas agir dans la mise en œuvre des élections professionnelles ; 
  • bloquer la transmission des informations essentielles ;
  • interférer dans l’exercice des prérogatives du comité ou du droit syndical. 

En perturbant le cadre légal du dialogue social, ces différents agissements portent atteinte à la protection des droits des salariés et à la transparence des décisions de l’entreprise. 

Toute personne qui empêche le bon déroulement du Code du travail et la protection des salariés, encourt des poursuites et peut être poursuivie par la loi, avec un risque de procès-verbal et de condamnation au pénal. L'article 2317-1 du Code du travail donne la définition du délit d’entrave et la liste des sanctions encourues.

Pour vous, acteur ou membre concerné, il est crucial de bien comprendre les contours du délit d’entrave au CSE afin de préserver vos droits et de garantir un environnement de travail sain.

Les manifestations du délit d'entrave au sein du CSE

Entrave à la constitution du CSE

Le délit d’entrave à la constitution du Comité social et économique se manifeste par des retards injustifiés dans l’organisation des élections ou par l’omission de diffuser les informations nécessaires à sa mise en place. 

Un exemple de délit d’entrave de ce type peut être lorsqu’un employeur, également président du CSE, ne communique pas sur les modalités d’élection, ne met pas à disposition les ressources indispensables pour organiser le scrutin ou prolonge indéfiniment le calendrier électoral.

Ces pratiques délibérées font obstacle à la création d’une instance représentative du personnel responsable du dialogue social entre la direction et les salariés.

Entrave au fonctionnement régulier du CSE

Une fois constitué, le CSE doit pouvoir fonctionner de manière régulière et efficace. L’annulation systématique des réunions, leur report sans motif valable ou l’absence de suivi des décisions prises constituent des délits d’entrave à l’exercice normal du comité. 

En perturbant l’agenda des réunions, l’employeur prive les salariés d’un espace de consultation et de débat, ce qui compromet l’évaluation des conditions de travail et la mise en œuvre des actions correctrices. Ce blocage est particulièrement préjudiciable à la cohésion et à la transparence au sein de l’entreprise.

Entrave aux missions et attributions du CSE

Le CSE est investi de missions essentielles, telles que : 

  • la défense des intérêts collectifs et individuels des salariés ;
  • l’amélioration des conditions de travail ;
  • la participation aux décisions stratégiques de l’entreprise. 

Lorsque l’employeur limite l’accès aux informations cruciales ou restreint l’autonomie du comité dans ses interventions, il empêche les délégués d’exercer pleinement leurs attributions. 

Par exemple, interdire aux représentants du personnel d’aborder certains sujets lors des réunions ou ignorer ses recommandations constitue un délit d’entrave direct à l’exécution de ses missions légales. De ce fait, la représentation des salariés se montre affaiblie.

Exemple de cas pouvant conduire à un délit d’entrave

Non-convocation aux réunions

La convocation régulière aux réunions du CSE est indispensable pour assurer un échange constructif entre les parties. Le fait de ne pas convoquer les membres du comité, de manière systématique ou en dissimulant des réunions importantes, prive les salariés d’un droit fondamental à la représentation et au dialogue. 

Ce manque de régularité perturbe le processus décisionnel et empêche la mise en place d’actions correctrices en cas de dysfonctionnements internes.

Non-fourniture d'informations nécessaires

Pour que le Comité social et économique puisse analyser et intervenir sur les questions touchant aux conditions de travail, les élus doivent disposer de l’ensemble des informations stratégiques de l’entreprise. 

La rétention volontaire de documents, la limitation d’accès aux données financières, ou le refus de communiquer des éléments essentiels sur la santé et la sécurité au travail constituent autant de pratiques qui entravent l’action du comité. 

Sans ces informations, le CSE est démuni et ne peut par définition pas exercer son rôle de contrepoids aux décisions unilatérales de la direction.


Bon à savoir : ne pas consulter le CSE sur des sujets obligatoires comme un projet de déménagement constitue un cas de délit d’entrave.

Restriction des moyens alloués au CSE

Le bon fonctionnement du CSE repose en partie sur l’allocation de moyens matériels et financiers suffisants, en accord avec les accords collectifs en vigueur. 

La réduction délibérée du budget, le refus de mettre à disposition des locaux adaptés ou l’absence de financement pour des formations indispensables sont autant de restrictions qui minent l’autonomie et l’efficacité du Comité social et économique. 

Ces infractions ne sont pas anodines, elles traduisent une volonté de réduire l’influence du CSE et de freiner la capacité des représentants du personnel à défendre les intérêts des salariés.

Qui peut être auteur et victime du délit d’entrave ?

Le rôle de l'employeur dans le délit d'entrave

Un employeur a la responsabilité de mettre en œuvre et de garantir le fonctionnement du CSE. En adoptant des mesures qui limitent ou contournent les obligations légales, il se place en position de commettre un délit d’entrave. 

Les dirigeants, managers ou toute personne disposant d’un pouvoir de décision peuvent être concernés par ce délit lorsqu’ils empêchent le comité de remplir ses missions. Il est essentiel de rappeler que chaque action doit respecter le cadre légal défini par le Code du travail, sous peine de lourdes sanctions.

Les droits et la protection des membres du CSE

Les membres du CSE bénéficient d’un statut protégé par la législation afin de garantir leur indépendance et leur impartialité dans l’exercice de leurs fonctions. Ils disposent notamment du droit à l’information, du droit de consultation et de la possibilité de suivre des formations spécifiques pour renforcer leurs compétences. 

Cette protection juridique vise à prévenir toute forme de représailles et à assurer que les représentants du personnel puissent intervenir efficacement en cas de non-respect des droits des salariés.

Les conséquences juridiques d’un délit d’entrave au CSE

Sanctions pénales encourues 

Les sanctions pour délit d’entrave varient selon la nature de l’entrave constatée et visent à dissuader tout comportement compromettant la représentation et la protection des salariés.

Entrave à la constitution et/ou à la libre désignation du CSE 

Le chef d’entreprise peut être sanctionné jusqu’à 7 500 € d’amende et encourir une peine d’un an d’emprisonnement en cas d’entrave à la constitution du CSE ou à la libre désignation de leurs membres. 

Ces peines soulignent l’importance du CSE dans le maintien d’un dialogue social équilibré et dans la garantie d’un environnement de travail conforme aux exigences du Code du travail.

Entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel

En cas de perturbation du bon déroulement des réunions ou de blocage des actions du CSE, le chef d’entreprise s’expose à des poursuites judiciaires pouvant aboutir à une amende allant jusqu’à 7 500 €.

Entrave à l’exercice du droit syndical, à la consultation sur le droit d’expression ou lors d’une rupture abusive du contrat de travail 

Un employeur risque un an d'emprisonnement et une amende de 3 750 € lorsque le délit d'entrave concerne : 

  • exercice du droit syndical ;
  • conseil du salarié ;
  • consultation sur le droit d'expression ;
  • rupture du contrat de travail d'un délégué syndical ou d'un élu du CSE ;
  • candidats aux élections ou anciens élus.

Cette amende peut être portée à 7 500 € lorsqu’il s’agit d’un membre du CHSCT dont les prérogatives sont entravées.

Délit d’entrave concernant une personne morale

Les sanctions applicables aux personnes morales (entreprises, associations, etc.) sont similaires à celles prévues pour les personnes physiques. En outre, des peines additionnelles peuvent être prononcées, telles que :

  • l’obligation d’afficher la décision de justice par le biais de supports audiovisuels ;
  • la dissolution de la personne morale ;
  • la fermeture définitive ou temporaire des activités, pouvant aller jusqu’à 5 ans ;
  • un placement sous contrôle judiciaire pour une durée de 5 ans.

Procédures de plainte et d'action en justice

Si vous êtes victime ou témoin d'une entrave aux fonctions représentatives, confirmez d’abord la présence de ces trois composantes :

  • élément légal : un texte juridique définit l'infraction ;
  • élément matériel : l’atteinte se manifeste par une action ou une omission concrète qui nuit aux représentants du personnel ;
  • élément moral : le fait implique une intention délibérée, qu'il s'agisse d'une action intentionnelle (Cour de cassation, Chambre criminelle, du 15 février 1994, 92-84.088, Cour de cassation, Chambre criminelle, du 23 janvier 1979, 78-92.407, etc.), d'une omission volontaire ou d’un caractère réitéré et délibéré (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 15 mai 2007, 06-84.318)

Lorsque ces critères sont réunis, il est établi qu'il existe bien un délit d'entrave aux fonctions représentatives. Plusieurs recours s’offrent alors à vous. Vous pouvez saisir l’inspection du travail, dont la mission est de vérifier le respect des obligations légales au sein de l’entreprise. Vous avez aussi la possibilité de déposer une plainte auprès des juridictions compétentes. 

La constitution d’un dossier solide, comprenant des convocations manquantes, des échanges écrits, des procès-verbaux et des témoignages, est primordiale pour appuyer votre démarche. 

Dans certains cas, l’initiation d’un recours collectif peut également permettre de défendre les droits de l’ensemble des salariés concernés.

Comment prévenir le délit d’entrave au sein du CSE ?

La prévention du délit d’entrave au CSE repose sur la mise en place de mesures proactives et d’une communication transparente. Pour cela, nous vous recommandons de :

  • clarifiez les procédures internes : établissez des règles précises concernant la constitution et le fonctionnement retranscrites dans le règlement intérieur du CSE, et assurez-vous que ces procédures soient bien connues de tous ;
  • organisez des formations régulières : proposez des sessions de formation sur les droits et obligations du CSE, tant pour les membres du comité que pour les dirigeants, afin de renforcer la compréhension et l’application des règles ;
  • instaurez un dialogue constant : favorisez des échanges réguliers et ouverts entre l’employeur et le comité. Un climat de confiance prévient les malentendus et sert à identifier rapidement toute tentative d’entrave ;
  • mettez en place des mécanismes de contrôle : créez des dispositifs internes de suivi et d’évaluation pour vérifier le respect des engagements et la transparence dans la gestion du CSE.

Ces mesures permettent de garantir un environnement de travail où les droits des salariés sont respectés et où le dialogue social peut s’épanouir pleinement.

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Les points à retenir
  • le délit d’entrave se définit par toute action empêchant la mise en place, le bon fonctionnement et l’exercice effectif des missions du CSE ;
  • le non-respect du cadre légal peut entraîner des sanctions pénales, administratives et civiles sévères, renforçant la protection des droits des salariés ;
  • la prévention passe par la mise en place de procédures internes claires, des formations régulières et une communication transparente entre la direction et le CSE.

FAQ : délit d’entrave

Qui peut dénoncer un délit d'entrave ?

Tout salarié, membre du CSE ou tiers ayant connaissance des faits, est en droit de signaler un délit d’entrave. La vigilance collective est essentielle pour détecter et corriger rapidement toute anomalie dans le fonctionnement de l’entreprise.

Les personnes pouvant initier les poursuites contre l'auteur du délit d'entrave comprennent :

  • les organisations syndicales souhaitant obtenir réparation pour le préjudice subi ;
  • le salarié protégé victime, qui peut déposer plainte et/ou se constituer partie civile.

Par ailleurs, le juge peut être saisi soit directement par le parquet, soit suite à la transmission d'un procès-verbal établi par l'inspection du travail.

Comment faire constater un délit d'entrave ?

Un délit d’entrave se compose de trois éléments : 

  • un aspect légal avec une faute inscrite dans un texte de loi ;
  • un élément matériel qui résulte d’une action ou de son absence ; 
  • un volet moral qui manifeste le caractère intentionnel ou délibéré du préjudice.

Pour faire constater un délit d’entrave au CSE, il est crucial de rassembler l’ensemble des preuves disponibles. Conservez tous les documents pertinents, tels que les courriers, e-mails, procès-verbaux de réunions annulées ou reportées, ainsi que les témoignages écrits. 

Vous pourrez ensuite présenter votre dossier à l’inspection du travail ou à un avocat spécialisé en droit du travail et en droit syndical.

Comment exclure un membre du CSE ?

Un employeur n’a pas de pouvoir sur la révocation des élus sans appartenance syndicale. En effet, il ne peut pas dissoudre un CSE en cours de mandat par sa seule initiative.

Par ailleurs, il est possible de révoquer une fonction (trésorier, secrétaire, etc.), sans effet sur le mandat du représentant du personnel. Dans ce cas, l’élu conservera sa place et son droit de vote en tant que titulaire.

La révocation d'un élu ayant une appartenance syndicale ne peut se faire qu'à la seule initiative de celui qui a présenté le candidat lors du premier tour des élections. En cas de contestation du résultat, le tribunal de grande instance pourra être sollicité.

Le délit d’entrave figure-t-il au Code pénal ?

Le Code pénal prévoit des mesures aggravées lorsqu'une personne morale est à l'origine du délit d'entrave au CSE. Dans ce cas, l'amende légale appliquée est cinq fois supérieure à celle destinée à une personne physique (article 131-38 du Code pénal). 

De plus, la sanction peut s'accompagner, selon l'article 131-39 du Code pénal, des mesures suivantes :

  • obligation d'afficher ou de diffuser la décision ;
  • dissolution de la personne morale ;
  • fermeture définitive, ou pour une durée de 5 ans, de l'établissement ayant servi à commettre l'infraction ;
  • interdiction d'exercer, soit de manière permanente, soit pendant 5 ans ;
  • mise sous surveillance judiciaire pour une période de 5 ans.

Par ailleurs, en cas de récidive, les peines maximales d'emprisonnement et les amendes encourues sont doublées (articles 132-10 et 132-14 du Code pénal).

Enfin, le délai de prescription du délit d'entrave dure 3 ans à compter du jour où l'infraction a été commise.